Montaigne m’a invité à découvrir l’univers du français
Tomoki SAKAKIBARA
2013年春季1級合格・エールフランス特別賞候補
榊原 知樹
翻訳業・東京都
Tous les matins au réveil, la première chose que je fais avant de sortir du lit, c’est de lire les Essais de Montaigne, un livre français. D’habitude, je n’en lis pas beaucoup, une page ou moins, voire quelques centaines de mots car j’aime lire lentement ce qui m’apparaît important, savourer ce qui est délicieux. Pour moi, cette lecture est le petit-déjeuner de l’esprit, un instant de sérénité pour bien me préparer à affronter la journée qui commence.
Montaigne est un écrivain humaniste du XVIe siècle. J’ai commencé par lire son œuvre traduite en japonais il y a plus de quinze ans. À cette époque, j’avais eu la sensation d’avoir trouvé un ami, ou plutôt un oncle au parler franc qui n’hésitait pas à partager avec moi ses pensées les plus intimes. J’ai souvent oublié le fait que je lisais un grand homme de la Renaissance qui avait vécu plus de 400 ans auparavant. Mon intérêt pour lui n’a cessé de grandir jusqu’à ce que je ne puisse plus résister à la tentation de le lire en langue originale.
J’ai appris le français à l’université comme seconde langue étrangère. Le temps ayant passé, j’ai dû reprendre la grammaire dès la première page. J’ai ensuite lu une dizaine de livres français assez faciles pour m’échauffer.
En octobre 2008, je me suis enfin lancé dans la lecture des Essais en français, en tant que projet personnel. C’est un volume de 800 pages et je n’avais aucune idée du temps qu’il me faudrait pour le terminer, ni même si je pourrais aller jusqu’à la fin. J’avançais pas à pas, en consultant des dictionnaires et en comparant souvent le texte avec la traduction. Lors du tremblement de terre de 2011, j’ai dû suspendre ma lecture pendant trois mois. Il m’aura fallu cinq ans, mais je l’ai finalement achevée l’année dernière. À peu près en même temps, j’ai passé et réussi le niveau le plus élevé de l’examen de langue française le plus répandu au Japon… S’agit-il d’une simple coïncidence ?
Pourtant, je dois vous faire un aveu : je n’ai pas tout compris des Essais. À dire vrai, certaines choses se sont avérées bien trop difficiles, et parfois, je ne comprenais même pas pourquoi il les disait. Je ne m’en sens pas coupable cela dit, j’ai seulement suivi l’exemple de Montaigne lui-même, qui confesse que lorsqu’il lit des auteurs anciens et qu’il a des difficultés à saisir leurs propos, il essaie une ou deux fois de comprendre, mais ne poursuit pas plus loin. Je crois qu’il m’aurait permis de faire de même en le lisant. Bien sûr, j’aimerais malgré tout en comprendre un peu plus la prochaine fois que je le lirai. Quoi qu’il en soit, ce que j’ai compris cette fois-ci est bien suffisant pour que ma lecture vaille les années que j’y ai consacrées.
D’où me vient cet attrait pour Montaigne ? Il a observé ce qui se passait autour de lui et réfléchi sur ses propres pensées. Il a également lu des poètes et philosophes grecs et romains, et en rapprochant ses réflexions et ses connaissances classiques, il a écrit une œuvre de sagesse dont chaque chapitre est un cristal brillant de mille feux. Dans les Essais, il discute de tous les sujets importants que l’on peut concevoir dans la vie : l’amitié, la lecture, l’ivresse, la vanité, la maladie, l’oisiveté, la vieillesse, la mort, etc.
Ainsi, Montaigne m’a invité à découvrir l’univers du français. Je me suis rendu compte que j’en appréciais la sonorité. C’était passionant de réciter par cœur de petits morceaux de la littérature française. Je pense qu’un beau texte est comme un bijou — un objet d’art créé par un artisan des mots. Un tableau de Picasso, de Cézanne ou de Monet coûte une fortune, mais un beau texte littéraire de Proust, de Flaubert ou d’Hugo ne coûte rien, et nous pouvons garder leurs écrits en mémoire !
Mon dialogue avec Montaigne m’a appris à mieux vivre, à réfléchir sur mes expériences et mes souvenirs et à trouver de la valeur même dans les petites choses qui font de notre vie ce qu’elle est. Son message — bien qu’il soit impossible de faire le résumé d’un ouvrage aussi gigantesque — c’est que la vie vaut la peine d’être vécue et d’être bien vécue. Voici ce qu’il dit vers la fin des Essais :
C’est une absolue perfection, et comme divine, de savoir jouir loyalement de son être. (Livre III, Chapitre XIII, « De l’expérience »)
La lecture de Montaigne et l’apprentissage du français sont à mon sens deux choses indissociables. Chaque pas que je fais dans l’une me fait progresser un peu plus dans l’autre. Ce qui est sûr, c’est qu’elles resteront toujours de grandes sources de plaisir et d’inspiration pour moi.
* 2013年度成績優秀者表彰式当日に実施されたエールフランス特別賞選考会のために提出されたエッセイを、ご本人の許可を得て転載させていただきました。